Orgia, leçon des profondeurs
Etrange
découverte à Belfort. Descente dans les profondeurs du théâtre.
Dans les abysses, en ces lieux qui nour ramènent à l'origine,
ou plus exactement son image. Ici la parole est pesée, pensée
: chaque mot résonne d'une charge sans humaine limite. Il s'agit des
mots de Pier Paolo Pasolini, Orgia, la première des six pièces
qu'il a concédées au théâtre. La traduction est
nouvelle (du metteur en scène lui-même, en association avec Caroline
Michel et Eugène Durif). C'est l'excès qui parle dans chacun
de ses mots. Jean Lambert-wild s'en empare comme par effraction. Loin du théâtre
rebelle ou militant, nous sommes au plus près du commencement. En ces
zones où l'humanité viendrait s'essayer à ses premières
phrases. Scénario simplissime : un homme et une femme qui disent,très
vite, dans une économie parfaite, tout le mal qu'ils "peuvent"
se faire. Un oratorio pour se dire, pour nous dire toutes les formes, les
tours et les détours du désir - on ne sait d'ailleurs pas s'ils
se le portent, s'ils se l'interdisent. Ce qu'ils vivent est à la limite,
quoi qu'il arrive à la limite. La proposition de scène met en
jeu ce travail de la limite en confrontant les acteurs à eux-mêmes,
par la médiation d'un appareil - comme un auxiliaire qui permet de
se retrouver, malgré ou à travers les détours. Ici la
machine capte les états et les sensations que vivent les acteurs en
jouant. Par un système de capteurs directement installés sur
la peau des comédiens, la "machinerie" enregistre et traduit
ce qu'ils vivent sue scène. Cette traduction prend la forme (virtuelle,
nous sommes au théâtre - et le plus ancien, paradoxalement) d'organismes
primitifs que l'on trouve au fond des océans. De partout, dans cette
mêlée de mots ritualisés, le théâtre devient
l'étrange dialogue d'êtres qui ne peuvent se parler. Mais le
théâtre vient, à ce moment précis, pour dire encore.
Bruno
Tackels
04-06/2001